Souvent stigmatisée et mal connue, la schizophrénie plonge les familles dans l’isolement et la détresse. Pour les soutenir, le réseau Profamille forme les aidants à une meilleure prise en charge de leurs proches atteints de schizophrénie.
La schizophrénie concerne 1% de la population française, soit plus de 600 000 personnes à l’échelle nationale et près de 4000 personnes en Martinique. C’est autant, voire plus, de mères, de pères, de frères et de sœurs confrontés chaque jour à l’incompréhension et à l’impuissance, dans le combat avec une maladie encore mal comprise. C’est pourquoi Vanessa Martin, psychiatre, et une équipe pluridisciplinaire de professionnels, se sont engagés dans la mise en place de l’antenne locale du réseau Profamille en Martinique. Celui-ci organisera à partir de janvier 2020 des séances de formation destinées aux familles des malades atteints de schizophrénie. Rencontre avec le Docteur Martin, coordonnatrice du programme, et Mme Clavot, infirmière et animatrice au sein du réseau.
Pourquoi est-ce important d’accompagner les familles de malades atteints de schizophrénie ?
Vanessa Martin : cette maladie, chronique, engendre beaucoup de souffrance chez les patients mais aussi une grande détresse psychologique et émotionnelle chez leurs proches. On constate d’ailleurs une augmentation significative des problèmes de santé chez les aidants, qui consacrent souvent une grande partie de leur vie à la prise en charge du malade.
Quelles sont les situations auxquelles les familles doivent faire face au quotidien ?
Valérie Clavot : les personnes atteintes de schizophrénie présentent de nombreux symptômes. Repli sur soi, difficulté à prendre des initiatives, vision erronée de la réalité, mécanismes hallucinatoires, sensation d’être persécuté, idées mystico-religieuses, déni de la maladie (…), toutes ces manifestations sont extrêmement complexes et difficiles à gérer pour les proches, qui ne sont pas préparés à cela. En plus de ces symptômes, un patient souffrant de schizophrénie a beaucoup de mal à être autonome dans les tâches les plus simples du quotidien, comme se lever, se laver, se nourrir… C’est une lourde charge pour les familles, en particulier pour les mamans, qui sont souvent en première ligne. Or bien accompagner le malade au quotidien est fondamental : les chances d’améliorer son état de santé augmentent quand l’entourage est en mesure d’adopter les comportements adaptés.
Comment les familles peuvent-elle faire face à ce défi ?
VM : il est important de bien connaître la maladie, pour comprendre celui qui en est atteint et savoir comment interagir avec lui. C’est pourquoi le réseau Profamille a mis en place un programme psychoéducatif visant à former les familles dans la gestion de la maladie au quotidien. Nous abordons des sujets aussi divers que les caractéristiques de la maladie, l’intérêt des traitements, la gestion des émotions, la capacité à poser des limites, la communication, … Cette formation théorique et pratique apporte aux familles des outils pour comprendre leurs proches et les accompagner au quotidien dans le suivi de leur traitement, leur autonomisation et leur réinsertion sociale.
Comment se déroule le programme ?
VC : le programme comprend deux modules obligatoires, animés par une équipe de médecins et d’infirmiers. Le premier module comporte quatorze séances de quatre heures, réparties sur six mois. Le deuxième module compte huit séances, réparties sur deux à trois ans. Des liens forts se créent entre les participants, qui sortent enfin de l’isolement face à la maladie. Un des objectifs de ce programme est aussi de développer avec eux un réseau de soutien et d’entraide.
Le programme est-il payant pour les familles ?
VM : le programme est totalement gratuit ! Nous avons la chance de bénéficier ici du soutien financier du Centre Hospitaliser Maurice Despinoy (ndlr : anciennement CH de Colson). L’objectif du réseau, créé au Québec en 1987 et aujourd’hui présent dans de nombreux pays francophones, a toujours été de rendre le programme accessible au plus grand nombre.
Quels sont les résultats observés ?
VC : ils sont très positifs. Dans les familles qui ont suivi le programme, on observe un taux de rechute des malades divisé par quatre l’année suivant la formation ! La qualité de vie des familles s’améliore sensiblement, car les besoins du malade sont mieux compris. Par ailleurs, dans les cas où il y a une rechute, due à un événement extérieur comme une rupture sentimentale, l’hospitalisation du patient est moins longue.
Quelle est la démarche à suivre pour accéder à votre programme ?
VM : une partie des participants nous est envoyée par les Centres Médico-Psychologiques (CMP), qui accompagnent les patients. Mais les familles peuvent nous contacter directement par téléphone ou par mail. Depuis le lancement du programme en Martinique, nous avons reçu 63 demandes d’inscriptions, en communiquant peu. C’est dire si le besoin est présent. La liste des participants est complète pour 2020, mais nous espérons élargir nos possibilités d’accueil rapidement !
Article paru dans ANFORM – mars/avril 2020
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